• J'ai cent feuilles à mon cœur tremblant

      Comme celui d'un galant ;

      Brune, rousse ou blonde,

      Il en est pour tout le monde.

    Chanson de l'Artichaut

    J'ai cent feuilles tendres d'un côté

      Et piquantes de l'autre,

      Comme feintises et patenôtres

    De jouvenceaux amignottés.

    Chanson de l'Artichaut

    Mais sans doute, belles, peu vous chaut

      D'un joli cœur d'artichaut,

    Et brune, rousse ou blonde préférerait

      Le simple cœur d'un dameret.

    Chanson de l'Artichaut

    De sorte qu'il me faudra finir aussi

      À la barigoule ou farci,

    Dans la marmite d'un cuisinier gras

    Sans même savoir qui me mangera.

    Chanson de l'Artichaut

     J'avais cent feuilles à mon cœur tremblant

     Comme celui d'un galant ;

    Il en était pour toutes les belles, et plus,

    Mais personne à la ronde n'en a voulu.

    Chanson de l'Artichaut

     

    Tristan KLINGSOR (Le Valet de cœur – 1908)


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  • Pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude, 

    Tout dort sous les grands bois accablés de soleil 

    Où le feuillage épais tamise un jour pareil 

    Au velours sombre et doux des mousses d'émeraude.

    La Sieste

    Criblant le dôme obscur, Midi splendide y rôde

    Et, sur mes cils mi-clos alanguis de sommeil, 

    De mille éclairs furtifs forme un réseau vermeil 

    Qui s'allonge et se croise à travers l'ombre chaude.

    La Sieste

    Vers la gaze de feu que trament les rayons, 

    Vole le frêle essaim des riches papillons

    Qu'enivrent la lumière et le parfum des sèves ;

    Alors mes doigts tremblants saisissent chaque fil, 

    Et dans les mailles d'or de ce filet subtil,

    La Sieste

    Chasseur harmonieux, j'emprisonne mes rêves.

    La Sieste

    José Maria de Hérédia (les trophées 1893)

    Bonne fête à mon Ti-Mari

    La Sieste


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  • Belles fleurs, dont je vois ces jardins embellis, 

    Chastes Nymphes, l'Amour et le soin de l'Aurore, 

    Innocentes beautés que le Soleil adore, 

    Dont l'éclat rend la Terre et les Cieux embellis.

    Innocentes Beautés que le Soleil Adore

    Allez rendre l'hommage au beau teint de Phylis, 

    Nommez-la votre Reine, et confessez encore, 

    Qu'elle est plus éclatante et plus belle que Flore, 

    Lorsqu'elle a plus d'oeillets, de roses, et de lis.

    Innocentes Beautés que le Soleil Adore

    (belle remontée de ce rosier)

    Quittez donc sans regret ces lieux et vos racines, 

    Pour voir une beauté, dont les grâces divines, 

    Blessent les coeurs des Dieux d'inévitables coups ;

    Innocentes Beautés que le Soleil Adore

    Et ne vous fâchez point si vous mourez pour elle, 

    Aussi-bien la cruelle 

    Fera bientôt mourir tout le monde après vous.

     Vincent Voiture 

    (Poésies posthumes, 1650)


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