• La croisée est ouverte, il pleut

    Comme minutieusement,

    A petit bruit et peu à peu

    Sur le jardin frais et dormant.

    Le Jardin Mouillé

    Feuille à feuille la pluie éveille

    L'arbre poudreux qu'elle verdit ;

    Au mur, on dirait que la treille

    S'étire d'un geste engourdi.

    Le Jardin Mouillé

    L'herbe frémit, le gravier tiède

    Crépite et l'on croirait là-bas

    Entendre sur le sable et l'herbe

    Comme d'imperceptibles pas.

    Le Jardin Mouillé

    Le jardin chuchote et tressaille,

    Furtif et confidentiel ;

    L'averse semble maille à maille

    Tisser la terre avec le ciel...

    Le Jardin Mouillé

    Henri de Régnier

    (Les médailles d'argile 1900)


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  • Tandis qu'à leurs oeuvres perverses

    Les hommes courent haletants,

    Mars qui rit, malgré les averses,

    Prépare en secret le printemps.

    Premier Sourire

    Pour les petites pâquerettes,

    Sournoisement lorsque tout dort,

    Il repasse des collerettes

    Et cisèle des boutons d'or.

    Premier Sourire

    Dans le verger et dans la vigne,

    Il s'en va, furtif perruquier,

    Avec une houppe de cygne,

    Poudrer à frimas l'amandier.

    Premier Sourire

    La nature au lit se repose ;

    Lui descend au jardin désert,

    Et lace les boutons de rose

    Dans leur corset de velours vert.

    Premier Sourire

    Tout en composant des solfèges,

    Qu'aux merles il siffle à mi-voix,

    Il sème aux prés les perce-neiges

    Et les violettes aux bois.

    Premier Sourire

    Sur le cresson de la fontaine

    Où le cerf boit, l'oreille au guet,

    De sa main cachée il égrène

    Les grelots d'argent du muguet.

    Premier Sourire

    Sous l'herbe, pour que tu la cueilles,

    Il met la fraise au teint vermeil,

    Et te tresse un chapeau de feuilles

    Pour te garantir du soleil.

    Premier Sourire

    Puis, lorsque sa besogne est faite,

    Et que son règne va finir,

    Au seuil d'avril tournant la tête,

    Il dit : " Printemps, tu peux venir ! "

     

    Théophile Gauthier 

    Emaux et Camées 1852


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  • Il tombe encore des grêlons,

    Mais on sait bien que c'est pour rire.

    Quand les nuages se déchirent,

    Le ciel écume de rayons.

    Mars

    Le vent caresse les bourgeons

    Si longuement qu'il les fait luire.

    Il tombe encore des grêlons,

    Mais on sait bien que c'est pour rire.

    Mars

    Les fauvettes et les pinsons

    Ont tant de choses à se dire

    Que dans les jardins en délire

    On oublie les premiers bourdons.

    Il tombe encore des grêlons …

    Mars

    MAURICE CARÊME

    LA LANTERNE MAGIQUE 1947


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